Après la déroute de l’aventure encyclopédique et son échec au théâtre, Diderot, sur la proposition de son ami Grimm, se lance dans la rédaction de comptes rendus des Salons, les expositions que l’Académie royale de peinture, au dix-huitième siècle, organisait tous les deux ans au Salon carré du Louvre. Présentés comme des lettres familières écrites à Grimm, les Salons de Diderot étaient diffusés dans la Correspondance littéraire, un journal manuscrit qu’il destinait à une poignée d’abonnés princiers des cours de l’Europe du nord et de l’est.

Diderot se prend au jeu et, des quelques pages du Salon de 1759, passe à des volumes en 1765 et en 1767. Pourtant, au départ, il sait très peu de choses sur la peinture, à laquelle il ne s’est intéressé que de fort loin dans l’Encyclopédie. C’est à partir de son expérience de théoricien du théâtre qu’il aborde la scène picturale, et c’est à l’efficacité dramatique de la composition qu’il est d’abord sensible. Mais la peinture résiste à une modélisation purement théâtrale : Diderot va découvrir progressivement ce qui, dans la peinture, résiste à la scène. Autour de cette résistance se dessine la voie diderotienne vers l’esthétique : une voie contradictoirement platonicienne et matérialiste, aux antipodes de l’esthétique kantienne.