Groupe 2 : mardi 9h-12h, salle B 102.

De la littérature médiévale au XVIIe siècle : « Premières luttes littéraires féministes : les mots des femmes, les mots pour les femmes »

Enseignant : Sébastien Douchet

En 1401, Christine de Pizan, femme intellectuelle et autrice, engage une vive querelle littéraire contre un groupe d’hommes, des clercs et des hauts fonctionnaires. L’objet de la querelle ? L’œuvre de Jean de Meun, le Roman de la Rose, composé vers 1275, dont Christine de Pizan critique la misogynie, l’immoralité et l’obscénité à l’égard des femmes.
Christine entend affirmer l’égale dignité de corps et d’esprit des femmes, et aussi définir pour la femme une identité de genre qui l’inscrive dans le champ politique comme une créature aussi capable que l’homme. Christine de Pizan défend et illustre ces idées dans son œuvre majeure La Cité des Dames (1405-1407) qui rappelle tout ce que l’histoire de l’humanité doit au génie féminin. La défense de l’accès au savoir, à l’éducation et à l’écriture sont les conditions centrales à la constitution d’une identité féminine autonome et non soumise à la violence masculine, qu’elle soit sexuelle, physique, verbale ou morale.
En 1594, Marie de Gournay, éditrice de Montaigne, dénonce à son tour, dans L’égalité des hommes et des femmes, le mépris masculin pour l’intelligence et l’esprit des femmes, mais aussi l’interdiction qui leur est faite d’exercer des fonctions juridiques, administratives ou politiques. L’éducation des femmes est également au cœur de son entreprise d’affirmation d’une identité féminine libérée des préjugés masculins.
Enfin, en 1694, un homme, Charles Perrault prend la défense des femmes dans son Apologie des femmes et répond à la satire Contre les femmes de Boileau. En particulier, il défend l’idée que les femmes peuvent être des modèles de vertus pour les hommes et sont source de bien privé (dans le mariage) et public (dans la société), quitte à les enfermer autrement dans une identité traditionnelle et patriarcale qui amoindrit et ambiguïse la portée de son Apologie.
De 1401 à 1694, nous parcourrons ces débats littéraires sur l’identité féminine, sur ce qui la fonde en propre afin d’en faire émerger la singularité, au prix parfois de malentendus et d’ambiguïtés que le contexte historique ne suffit pas seul à expliquer
Textes d’étude :
1. Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris Le Livre de Poche, 1992 (composé entre 1275 et 1280).
2. Le débat sur le Roman de la Rose, trad. V. Greene, Paris, Honoré Champion, coll. « Traductions
des classiques de Moyen Âge », 2006 (débat datant des année 1401-1405).
3. Marie de Gournay, Égalité des hommes et des femmes et autres textes, Paris, Gallimard, coll. « Folio Sagesses », 2018 (publié en 1594 puis en 1622).
4. Charles Perrault, L’Apologie des femmes, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1694.
Les trois premiers ouvrages devront être apportés en cours par les étudiants. Le quatrième sera distribué sous forme de polycopié.

Textes critiques :
1) Femmes et littérature. Une histoire culturelle, dir. M. Reid, Paris, Gallimard, coll. « Essais », 2020.
2) Laure Bereni, Mathieu Trachman, Le Genre, theories et contreverses, Paris, Presses universitaires de France, 2014.
3) Judith Butler, Troubles dans le genre (Gender Trouble). Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, Flammarion, 2020, (1ère éd. 1998).
4) Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 2020, (1ère éd. 1998).