Pour les premiers opérateurs de l’histoire du cinéma, enregistrer une scène jouée devant la caméra ou un événement saisi sur le vif avait la même valeur technique et artistique. Documenter le monde véhiculait une puissance de divertissement équivalente à celle d’un récit. Peu à peu les métiers du cinéma ont été classifiés. Les studios ont imposé des genres et séparé les pratiques. Seules les avant-gardes ou le cinéma expérimental se sont autorisés à oublier ce cadre codifié et à mêler réalité et mise en scène, fiction et production de savoir, esthétique et parfois propagande. La fiction est devenue le genre du divertissement et l’enregistrement du réel celui des actualités et des sciences. Mais dès le milieu des années 1930, un cinéaste comme Jean Renoir, tourne un film documentaire. C’est pour lui un nécessité politique. Que signifie ce geste lorsque, par exemple, John Huston, Michelangelo Antonioni, Agnès Varda, Pier Paolo Pasolini ou Wim Wenders, se détourne des studios et des acteurs pour se consacrer au monde qui l’entoure, descendre dans la rue, regarder la vie telle qu’il, ou elle, la voit. Est-ce la fatigue d’un mode de production trop codifié ? Est-ce la réponse à une commande ? Ou bien une autre manière de penser le cinéma