En interrogeant le rapport à l’histoire des auteurs, et plus particulièrement à l’échec politique, ce cours propose une exploration d’un genre polymorphe très populaire en France jusqu’à nos jours, celui des Mémoires, que la théorie littéraire peine à circonscrire et même à définir. Lorsque César écrivit ses Commentaires sur les guerres de son temps, il les écrivait en vainqueur. Ses lointains héritiers littéraires, depuis la fin du Moyen Âge, semblent au contraire des perdants (plus ou moins) magnifiques. Acteurs ou actrices de la vie publique de leur temps, les mémorialistes utilisent l’écriture pour prolonger leur action, mais souvent après un échec ou une défaite. À la fin du XVe siècle, Commynes écrit en disgrâce ; pendant les guerres de religion, Monluc rédige ses Commentaires après avoir été gravement défiguré ; La Rochefoucauld et le cardinal de Retz écrivent leurs Mémoires après l’échec de la Fronde ; Saint-Simon écrit les siens au temps des Lumières, qui pour lui est celui de toutes les désillusions ; de même Voltaire, après ses mésaventures prussiennes ; jusqu’au XIXe siècle, le « siècle des révolutions » qui vit Chateaubriand porter le deuil de l’Ancien Régime, Louise Michel celui de la Commune. L’écriture semble l’ultime compensation de l’échec. « Un grand loisir qui tout à coup succède à des occupations continuelles », écrit Saint-Simon, « forme un grand vide qui n’est pas aisé ni à supporter ni à remplir ». Écrire pour remplir le vide : voilà qui ne saurait pourtant définir un genre, et qui semble même, à l’inverse, autoriser les mémorialistes à tous les écarts. Mettant à mal l’idée d’une poétique des Mémoires, bon nombre se présentent, de fait, comme des œuvres hétérogènes, voire comme de monstrueux hybrides. On trouve ainsi chez tel ou tel mémorialiste des poèmes, des portraits, des maximes, des lettres, des procès-verbaux, des généalogies, des listes… L’étude des Mémoires est aussi celle des limites du littéraire. 
Textes au programme : 2 œuvres à lire, au choix, parmi les suivantes : 
- La Rochefoucauld, François de, Mémoires, éd. Jean Lafond, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2006, https://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-classique/Memoires-precede-de-Apologie-de-M.-le-prince-de-Marcillac#. 
- Saint-Simon, Intrigue du mariage de M. le duc de Berry (mémoires, avril-juillet 1710), éd. Patrick Dandrey et Grégory Gicquiaud, Paris, Flammarion, coll. « GF », 2005, https://editions.flammarion.com/intrigue-du-mariage-de-m-le-duc-de-berry/9782080712486. 
- Voltaire, Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, éd. Jacqueline Hellegouarc’h, Paris, Librairie générale française, coll. « Le Livre de poche - Bibliothèque classique », 1998, https://www.livredepoche.com/livre/memoires-9782253907190.- Chateaubriand, François René de, Mémoires d’outre-tombe, éd. Jean-Claude Berchet, Paris, Librairie générale française, « Le Livre de poche – Classiques de poche », 2001, https://www.livredepoche.com/livre/memoires-doutre-tombe-tome-1-9782253160793.
- Michel, Louise, Mémoires : 1886, éd. Claude Rétat, Paris, Gallimard, coll « Folio Histoire », 2021, https://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-histoire/Memoires.